Lorsqu’un ami m’a invité à découvrir Pierre Bessuges rien, aucune information, même parallèle ou confidentielle, ne me préparait à cette œuvre originale qui – référence flatteuse pour cet artiste singulier dans sa démarche sinon son travail où mieux sa manière de travailler – tient plutôt, par sa conception et les étapes précédant l’achèvement, d’une forme d’artisanat au sens noble du terme dans laquelle, mystérieusement, la tête semble commander instantanément aux mains, bien entendu, mais également au corps.
« Les errances des uns faisant le bonheur des autres. » explique laconiquement l’artiste.
Le beau artistique
Mais finalement et pour ce qui me concerne, c’est plutôt chez l’idéaliste Georg Hegel que j’ai trouvé la formule adequate, si l’on peut dire :
« Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature. Car la beauté artistique est la beauté née et comme deux fois, née de l’esprit. Le beau a sa vie dans l’apparence. L’art doit donc proposer une autre fin que l’imitation formelle de la nature ; dans tous les cas, l’imitation ne peut produire que des chefs-d’œuvre de technique, jamais des œuvres d’art ».
En somme, la philosophie du « tout ce qui est réel est rationnel ».
Une illustration subtile de l’hégélianisme – la liberté de l’homme progressant étape par étape – auquel Pierre Bessuges, imbibé de sciences humaines et qui de fait, sans le savoir, nous initie à son art de manière subliminale.
Je ne peux dans cette analyse m’empêcher d’y associer un autre de mes peintres préférés, Philippe Hugo, qui dit lui aussi voir autour de lui les choses et les êtres, la nature et son environnement, à sa façon, et mentir ensuite – façon de dire – dans l’expression de sa vérité. L’art, et assurément la peinture, étant manifestement remarquables de subtilité et d’intelligence artistique.
En parcourant l’œuvre de Pierre Bessuges, je pense aussi à Picasso dont le culot en matière de peinture ne connaissait pas de limites. Notamment, lors de sa géniale période dite bleue où l’artiste restait encore, pourrait-on dire, dans les clous d’un formalisme de bon aloi, et qui joignant plus tard le geste à la parole, saluait ces peintres qui matérialisent le soleil par un point jaune et qui peuvent aussi bien transformer un point jaune en soleil !
Finalement, le dernier avis appartient à Matisse qui affirmait que l’imagination donne au tableau espace et profondeur.
En fait, j’irais personnellement et de préférence dans le sens de Pierre Bonnard lequel, à mes yeux, résumait parfaitement la sensibilité artistique :
« L’œuvre d’art est un arrêt du temps ! »
Panoplie artistique
Cette secrète sensibilité artistique qu’inspire l’œuvre de Pierre Bessuges lequel s’en confie :
« Je retrouve, dans la création artistique, un espace complet, une expression et une réalisation de soi sur mesure, un moyen d’envisager le monde, vécu ou imaginaire, dans un vent de vie, de liberté́, de partage et d’humanisme » résume t-il à sa façon.
Dont acte pourrait-on conclure à l’adresse de ce peintre, né à Montpellier en 1967, résidant en Suisse depuis 2009, et qui n’est pas, comme on le dit souvent, tombé directement de son berceau dans un contexte familial qui aurait pu influencer une éventuelle inclination à s’exprimer par la peinture comme d’autres le font par la musique.
Que diable, on est bien loin de cette panoplie artistique modèle qui, en ce cas, incite souvent les parents à privilégier les études.
Pierre Bessuges, dans un premier temps, parait avoir observé puis suivi le conseil.
Même sous-jacente, la passion n’a ainsi pas eu raison d’une priorité accordée à une formation universitaire supérieure en sciences politiques et développement international. Il s’ensuivra une expérience professionnelle de 25 ans dans les affaires internationales saupoudrées de projets de coopération dans le secteur privé, et de coordination de l’action humanitaire; ou encore de développement en différents pays d’Asie, du Moyen-Orient ou d’Afrique, de 1992 à 2017.
Passerelle imaginaire
Peut-être, parce que Montaigne est un peu passé par là, Pierre Bessuges s’est inconsciemment vêtu de l’universelle et humaine, condition pour enfin trouver sa vocation dans une sorte d’intime complicité entre art et humanisme. Les compositions qu’il propose donne la mesure d’un univers, son univers, complexe à souhait, un monde étrange nourri de ces interrogations existentielles auxquelles les formes et les couleurs sur des supports inhabituels – parfois de l’acier travaillé et confié aux incertitudes climatiques – se substituent pour concevoir une œuvre au demeurant surprenante.
Sa découverte, par le passé, du moulage et de la sculpture avec, notamment, Tjeerd Alkema, à l’École des Beaux Art de Nîmes, est aussi à l’origine de créations artistiques qu’il réalise aujourd’hui en atelier extérieur, des créations libres réalisées à partir de matériaux et objets bruts, revisités, réassemblés, détournés et allant de la terre au bois en passant par le métal.
En parallèle, il a fondé ArteHum, une organisation non gouvernementale (ONG) en faveur du développement et de la valorisation des liens, précisément entre l’art et l’humanisme, avec pour objectif, privilégier la solidarité, la transmission et la coopération locale et internationale.
Parallèlement à son activité d’artiste, Pierre Bessuges propose aussi diverses collaborations axées sur le partage : ateliers, séminaires, missions de conseil, ou encore interventions publiques.
Assurément, un artiste qui ne laisse pas insensible par la singularité de son art et par cette passerelle imaginaire mais au fond bien réelle, une sorte de lien entre ce qui est, ce qui a été et ce qui sera. Une passerelle lancée par-dessus le fleuve sujet à tous les drames de l’existence et qu’il convient de franchir afin de passer du temporel à l’éternel.
Bernard VADON
Journaliste